Les minerais de sang ne seront pas bannis d'Europe
Malgré la mobilisation de plusieurs groupes d’eurodéputés, écologistes en tête, le projet de règlement sur les minerais de sang adopté le 14 avril par la commission parlementaire européenne pour le commerce international n'est pas contraignant. L’industrie européenne pourrait donc continuer d’utiliser du tungstène, de l’étain, ou du tantale en provenance de zones de conflits. A quelques exceptions près…
A l’origine, le texte défendu par une partie des députés européens prévoyait pourtant que l’ensemble de la chaîne de valeur utilisant les minerais visés devraient être soumise à une certification européenne que leurs minéraux provenaient bien de régions sans conflit. Soit quelque 420 entreprises importatrices de minéraux de l’Europe des 28. Finalement, seules les fonderies et les raffineries européennes auraient l’obligation de certifier que leur approvisionnement est labellisé "responsable". Ce système d’auto-certification limité à ce segment de la filière a été adopté à 22 voix contre 16 (et deux abstentions).
Distorsion de concurrence
Cette décision, outre le fait de créer du flou en n’imposant pas une même règle à l’ensemble de la chaîne, crée une distorsion de concurrence avec les fonderies situées hors de l’UE et principalement en Asie. "Les raffineries-fonderies européennes ne représentent que 5% du marché mondial" a rappelé lors des débats Yannick Jadot, vice-président Vert de la commission du Commerce international. Les entreprises de la filière situées en aval des importateurs pourront toujours s’approvisionner auprès d’importateurs qui se fournissent eux-mêmes dans les regions incriminées. "La Commission est passée à côté d'une belle occasion d'arrêter les minerais de sang" a twitté de son côté Ska Keller, eurodéputée allemande (Verts).
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source"Il est vital que la législation soit contraignante pour les acteurs-clés de la filière, comme les fonderies et les raffineries, qui transforment ces minéraux", a affirmé Marielle de Sarnez à la commission en charge du texte. "Nous ne devons pas oublier que le but de ce texte est de briser le lien de façon permanente entre l’extraction minière et les conflits armés", a ajouté la vice-présidente du Modem.
L'Afrique n'est pas la seule région concernée
Le coltan (niobium et tantale), la wolframite (oxyde de tungstène) et la cassitérite (dioxyde d’étain) sont particulièrement visés par les efforts actuels pour limiter le financement des conflits par l’extraction minière. Ces minerais, parmi les plus critiques pour la filière des nouvelles technologies, proviennent souvent de la région des Grands Lacs en République démocratique du Congo. Avec le Soudan du Sud et l’Angola voisin, la région produit 17% du tantale mondial, ainsi que 4% de l’étain 3% du tungstène et 2% de l’or. Les mines y sont contrôlées partiellement par les seigneurs de guerre, dont elles fournissent une grande partie des revenus qui alimentent les conflits. Mais ce ne sont pas les seules matières premières dans ce cas. Le jade et les rubis en Birmanie, l’or, les émeraudes et même le charbon en Colombie posent également des problèmes de traçabilité.
Des précédents plus contraignants
Le marché des diamants, qui se trouvait dans une situation similaire il ya quelques années, a en grande partie réussi sa mutation grâce au système de certification connu sous le nom de Processus de Kimberley.
Aux Etats-Unis, la loi Dodd-Franck a instauré dès 2010 une obligation pour l’industrie d’intégrer un système de certification contraignant. Les avis sont partagés sur le bilan à tirer de cette obligation : quand ses défenseurs affirment qu’elle a fait ses preuves en réduisant à la portion congrue les minerais de régions de conflits, ses détracteurs répondent que ces mêmes minerais sont exportés illégalement vers les pays voisins, où ils se refont une virginité avant exportation vers les Etats-Unis.
Myrtille Delamarche
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